Il s’agit d’un article rédigé en juin 2015 par Kevin Finel, Fondateur de l’Académie d’Hypnose (A.R.C.H.E.), auteur de plusieurs ouvrages sur l’hypnose, formateur et conférencier. Ce message s’adresse plus volontiers aux hypnothérapeutes, mais a énormément d’intérêt pour vous tous qui venez nous consulter, dans la compréhension de ce qui se passe lors d’une séance d’hypnose. C’est pourquoi j’ai décidé de vous le communiquer. Philippe BERTET, Cabinet HYPNOS.
« On me demande souvent ce qui définit une communication hypnotique, ce qui la différencie d’une communication ordinaire. A mon sens, la réponse est simple et s’articule autour d’un élément central : une communication hypnotique est une communication qui dépasse les filtres et barrières habituelles du conscient, et qui vient atteindre l’inconscient de ceux qui la reçoivent. Un communiquant qui maîtrise les outils qui permettent d’y parvenir aura les qualités qui feront de lui un communiquant hors pair. Mais si l’idée paraît simple, elle demande un réel apprentissage, rendu d’autant plus complexe que toute notre éducation nous a conditionné à croire que communiquer consistait à s’adresser à la partie consciente et logique de nos interlocuteurs… »
Communiquer avec le conscient ? Communiquer avec l’inconscient ?
Un enfant à l’école ne comprend pas un concept ou une explication. Son enseignant tente alors de le lui expliquer plus clairement : devant le blocage apparent de son élève, il répète plusieurs fois, à peu près les mêmes mots, en parlant plus lentement, plus distinctement, en tenant d’être progressif, logique, de décomposer… et ça ne fonctionne pas. Pire encore, l’élève se bloque, entre dans une émotion inconfortable, se sent bête et perd confiance.
Je crois que nous avons tous assisté de nombreuses fois à une scène similaire, dans notre scolarité le plus souvent, mais aussi – avec quelques variantes – dans le monde professionnel.
Où est l’erreur ? Elle est simple : elle provient du fait que nous croyons dur comme fer que l’homme est un être rationnel et logique, que ce sont les données et les informations qui comptent.
Le conscient est derrière l’inconscient… et non l’inverse !
Avant qu’une information arrive à notre conscience, elle passe par de nombreux filtres inconscients.
Souvent, nous avons une vision inversée du trajet de l’information : si par exemple je regarde le menu d’un restaurant, je peux avoir l’impression de reconnaître consciemment un plat dans un premier temps, puis d’élaborer à partir de cette reconnaissance le souvenir du goût, de l’odeur, et l’envie qui y sont associés.
Mais tout fonctionne pourtant en sens inverse : avant même que j’ai pu comprendre consciemment le nom du plat, une part inconsciente de moi a déjà créé de nombreuses associations d’idées : la sensation – agréable ou non – ou encore le niveau d’envie ont déjà été décidés hors du champ d’action de la conscience qui arrive bien après.
C’est ce phénomène qui fait par exemple qu’une personne qui suit un régime risque tout de même de commander le plat qui lui fait envie et non celui qui serait « raisonnable » : quelque chose a déjà décidé, avant que la conscience s’en mêle, ce qui est le plus attirant !
Aussi, la pensée n’est pas le début mais la fin d’un processus. Le vocabulaire issu de la psychanalyse nous fait parfois croire que notre inconscient est une partie cachée, en profondeur, enfouie en nous. Pourtant, force est de constater que c’est plutôt l’inverse : l’inconscient est en fait « à la surface » et le conscient est derrière ; bien loin derrière. Aussi, notre inconscient a déjà bien travaillé avant qu’une pensée se forme. Cela ne serait pas gênant si le passage de l’information par l’inconscient se faisait sans encombre, mais ce n’est évidemment pas le cas.
Vous avez déjà essayé de raisonner quelqu’un qui a la phobie du vide en lui disant qu’il ne va pas tomber ?
Reprenons notre élève qui se heurte à une difficulté de compréhension. Le message didactique de son enseignant n’arrive pas tel quel : il passe par de nombreux filtres. Des filtres émotionnels par exemple : le fait d’être le centre de l’attention, le sentiment de culpabilité, un trop fort désir de bien faire, peuvent être quelques une des émotions qui submergent son esprit à cet instant. Les paroles sont entendues, mais déformées par ces émotions… et plutôt que d’entendre le sens logique de ce qui est dit, l’élève peut entendre en lui des phrases comme : tu ne comprends pas, tu n’es pas intelligent, tu n’es pas concentré… – et ce même si l’enseignant est dans une intention positive ! Il est alors empêtré dans des émotions désagréables, et le message réel est hors d’atteinte pour la compréhension.
Traverser l’inconscient.
Que peut alors faire cet enseignant pour sortir de cette impasse ?
Deux possibilités s’offrent à lui : au fond, ce sont les même que celles qui s’offrent à un cambrioleur…
- Apaiser les émotions : ici il s’agit de désactiver le système d’alarme de l’inconscient.
- Passer en force. Là, il s’agit de franchir frontalement les barrières pour atteindre le conscient.
La première stratégie, plus douce, demande du tact et du temps, ce que nous n’avons pas toujours en communication. Elle passe par le fait de créer une relation de confiance, de modifier les « croyances » de son interlocuteur, de l’aider à se connecter à ses capacités. C’est un travail plus « thérapeutique ». Si notre enseignant est dans les conditions d’un cours particulier, il peut prendre quelques dizaines de minutes pour établir cette stratégie : c’est un temps gagné au final car l’installer une fois l’inscrit ensuite dans la durée. Dans le cas d’une relation de travail on comprend aussi l’intérêt sur la durée !
La seconde est plus rapide, mais moins pédagogique. Elle passe principalement par le fait de capter l’attention avec une nouvelle émotion, sans rapport avec les précédentes. Plus la nouvelle émotion est puissante, plus elle sera efficace : tous les autres ressentis passeront en arrière-plan… La surprise est l’une des émotions les plus intéressantes à créer dans ce cas de figure : avez-vous déjà remarqué comment les personnes surprenantes et imprévisibles augmentent notre capacité d’écoute ? L’instabilité qu’elles provoquent est en ce sens prévisible. C’est aussi un système bien connu des spécialistes du markéting : une publicité étonnante augmente notre suggestibilité. Elle sera parfois plus efficace qu’une communication logique qui vante les mérites concrets d’un produit.
Pour se donner les moyens d’utiliser ces outils, il y a une « posture » essentielle : se souvenir que c’est l’inconscient de nos interlocuteurs qui nous écoute et nous analyse. Et l’inconscient fonctionne avec des émotions bien plus qu’avec de la logique. » Toutes les techniques que nous enseignons en communication hypnotique reposent sur ce présupposé . »